La résolution des problèmes, un espace de dialogue pour tous et alternative à la punition

La résolution de problèmes, un espace de dialogue pour tous 

Article paru dans le N°63 du magazine Grandir Autrement
Par Genoveva Desplas

L’une des idées reçues de la bienveillance éducative, c’est l’image d’une famille heureuse. Un idéal du bonheur porté par l’absence de problèmes. Du moins le portrait d’un foyer suffisamment outillé pour affronter et résoudre toute contrariété. Et si cette image de bonheur était le reflet d’une attitude ? 

La dynamique de « résolution de conflits » est proposée dans plusieurs programmes d’accompagnement à la parentalité et de communication bienveillante (les ateliers Gordon, les ateliers Faber et Mazlish, la discipline positive) et pour cause : l’objectif principal de cet outil est celui de se poser, s’écouter, se rendre disponible. 

La bienveillance est implicite dans la dynamique elle-même plus que dans les résultats. Plus qu’une formule magique pour éviter ou résoudre des conflits, nous y trouvons un espace de dialogue, où tous les sentiments et les idées de chacun ont leur place. 

Faisons un rappel des étapes, même si des nuances existent selon les auteurs. Lorsqu’un « problème » se présente, nous pouvons : 

1. Nommer les sentiments et besoins de l’enfant. 

2. Parler de nos propres sentiments et besoins. 

3. Proposer de faire une liste d’idées qui pourraient aider à trouver une ou plusieurs solutions convenables pour tous. 

4. Choisir les idées en fonction de leur faisabilité, celles auxquelles tous souhaiteraient donner suite. Trouver un compromis. 

Lorsque nous découvrons ce procédé, nous sommes ravis d’avoir enfin une alternative à la punition, pour (co)gérer des situations qui nous exaspèrent. La discipline traditionnelle se tourne vers le passé, ce que l’enfant n’aurait pas dû faire. C’est ce qui provoque une attitude de désespoir et d’impuissance. La discipline positive, quant à elle, se tourne vers l’avenir. « Le comment faire devient l’objet des recherches de solutions conduites dans le respect mutuel et la coopération. L’enfant devient acteur du changement¹ ». 

L’attitude sous cette optique est celle de quelqu’un qui sait se prendre en main. D’où une certaine sensation d’absence de problèmes. Cependant, il est important de clarifier certains points dans la mise en place de cet outil. 

L’attitude comme moteur d’un apaisement profond 

La résolution de problèmes, même avec un très jeune enfant, sert à mieux comprendre un état émotionnel ou psychologique. Elle aide l’enfant à se positionner face à des situations de sa propre vie qui ne sont pas toujours claires pour lui. Faber et Mazlish suggèrent que l’on peut « résoudre un problème à n’importe quelle étape du processus. Parfois une simple description de l’écart entre vos besoins respectifs peut conduire à une solution très rapide² » 

La non-disponibilité à l’origine du problème 

Appelé aussi « Résolution de problèmes », « Contrat de famille », « Temps d’échange en famille » ou « La méthode sans perdant », le processus nous ramène à ce qui fait défaillance dans toute relation : la prise en considération des besoins de l’autre. Le cumul de sentiments refoulés, de non-dits, de maladresses, d’accusations, l’absence de disponibilité. 

Être disponible pour nos enfants ne se limite pas à faire le chemin de l’école avec eux. Être disponible n’est pas seulement lire trois fois la même histoire avant le coucher ou aller voir ensemble un spectacle musical. 

Le moment des repas représente pour beaucoup de familles un moment de « dialogue », mais malheureusement ces échanges peuvent ressembler à un tribunal, un cours de nutrition ou un tutoriel des bonnes manières à table. 

Il est important de trouver le bon moment pour tous, un moment spécifique pendant lequel l’enfant serait partant pour y participer et l’adulte aussi. 

Je vous invite à lister par écrit les petits ou grands soucis de la vie de votre enfant pour lesquels vous aimeriez trouver une solution. En regardant cette liste dans le détail, il se peut que la majorité des tracas soient en rapport avec le développement naturel de l’enfant. Il serait alors convenable de se poser la question : à qui appartient le problème ? Par exemple, si votre enfant a moins de 5 ans, avez-vous écrit les réveils nocturnes, les couchers difficiles, le refus d’une alimentation variée, les excès de colère à la sortie de l’école ou lors de la séparation ? 

Repérer et définir le problème 

Thomas Gordon commence le processus en définissant le problème. Or, y a-t-il vraiment un problème à résoudre ? Il est effrayant de constater le manque d’information et le poids des principes au sujet du développement naturel de l’enfant. Manger « correctement », s’endormir rapidement, se dépêcher, rester calme : l’adulte considère que toute demande répétitive est due à une faible capacité de l’enfant à comprendre les bénéfices de ce qu’il est obligé de faire ou de ne pas faire, voire une provocation. « S’il ne va pas au lit de bonne heure, il sera fatigué le lendemain, le réveil sera difficile. Il “nous le fait” tous les soirs, le lendemain nous sommes tous crevés. » Nous voulons alors croire que c’est, en effet, un problème. Un problème pour l’enfant qui sera fatigué et surtout un problème pour ses parents qui ont envie de se reposer. Le problème n’est alors pas le sommeil de l’enfant mais le rapport des parents au sujet du sommeil de leur enfant. Le vrai problème est le rythme marqué par la société. Cela ne vous viendrait peut-être jamais à l’esprit d’écrire sur la liste de solutions possibles : « décaler de deux heures le départ au travail », « réduire le temps de travail pour être moins fatigué le soir et mieux accompagner mon enfant à affronter la nuit » ou « Malo ne va à l’école que s’il est en forme le matin ». Impossible, vous dites ! 

Jesper Juul souligne le conflit entre intégrité et coopération. « La plupart des enfants choisissent de coopérer et donc renoncent à eux-mêmes, surtout s’ils sont soumis à la moindre pression de la part de leurs parents.³ » Il parle de comment une « bonne » moralité peut se révéler de la « mauvaise » éthique. Il pose comme exemple un aspect important de l’intégrité physique des enfants qui est « la possibilité pour eux de pouvoir prendre de la nourriture quand ils en ont besoin et de la rejeter quand ils n’en ont pas besoin4 » 

L’enfant serait-il vraiment impliqué dans la résolution des « problèmes » liés à son développement ? Soyons clairs, l’enfant ne pensera jamais « je ne vais pas manger des légumes pour embêter mes parents et/ou pour me rendre malade et pour m’empêcher de grandir sainement ». 

Un accompagnement jusqu’au bout 

Une mère racontait que sa fille avait du mal à se réveiller le matin. Elles entament la résolution de problèmes et, en faisant le tri des solutions possibles, l’idée d’amener un petit oreiller à l’école était « à étudier ». 

La mère s’est complètement mise en mode complice de sa fille et elle est allée en parler à la maîtresse. La maîtresse était à la fois surprise de l’objet du rendez-vous et un peu gênée. La mère s’était préparée à la réponse de la maîtresse : « Mais, Madame, on ne vient pas à l‘école pour dormir ! » Elle aurait répondu que sa fille s’engagerait à venir la voir lorsqu’elle aurait un coup de barre et uniquement sortir le petit oreiller pour poser quelques minutes la tête sur une table ou dans le coin bibliothèque. Quel ne fut pas l’étonnement de la mère lorsque la maîtresse lui dit : « C’est une excellente idée ! Je pourrais instaurer un rituel de mini-sieste dans ma classe pour ceux qui souhaitent se poser quelques instants. Nous pouvons même faire un atelier de fabrication de nos petits oreillers... ».

Faber et Mazlish expriment à quel point les solutions auxquelles les enfants aboutissent peuvent être originales et plus satisfaisantes que celles proposées par les parents ! C’est le cas surtout lorsque l’enfant a envie de changement. C'est réconfortant de savoir que nous ne sommes pas obligés de trouver des solutions immédiates et absolues. 

Se rendre disponible et trouver des compromis fortifie la confiance de l’enfant en sa créativité et ses moyens pour voir ses soucis comme des opportunités. 


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1 - La Discipline positive, Jane Nelsen, Éditions Marabout (2014), p. 181. 

2 - Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Adele Faber et Elaine Mazlish, Aux Éditions du Phare (2012), p. 162. 

3 - Regarde… Ton enfant est compétent, Renouveler la parentalité et l’éducation, Éditions Chronique Sociale (2012), p. 56. 4 - Ibid.

Pour aller plus loin 

Parents efficaces au quotidien, Dr Thomas Gordon, Éditions Marabout. 

Livre pour enfants (pour apprendre à faire des compromis) : Bastien et les Blipoux, Adele Faber et Elaine Mazlish, Aux Éditions du Phare.